Au delà du gris de mes tempes
Se délie la trame du temps
A encrer le bois de l’estampe
Pour imprimer de mes dix ans
Le parchemin…
Instant de vie attendrissant
Que les années ont écorché
Sur le tableau de mon antan
Je me souviens de cette craie…
Les grandes ombres de l’hiver s’étalaient dans la cour, lorgnant vers le préau.
Les murs blancs, auparavant rougis du soleil couchant, restituaient au jour déclinant la lumière provisoirement empruntée.
Elle crisse sur le tableau noir de tous les devoirs…
Prémices de labeurs nocturnes que mes yeux d’enfants entrevoyaient travaux d’Hercule.
La craie posée, les mains dépoussiérées, l’institutrice se retourne enfin, le sourire au lèvres.
Signe infaillible augurant de ces minutes surnaturelles que tous attendaient, précédant la fin de la classe.
Elle se dirige vers un coin de la pièce, saisit religieusement un étui en bois verni qu’elle pose délicatement sur son bureau.
Un grincement… la boite s’ouvre et délivre son secret…
Dans ses grandes mains blanches, apparaît un violon !
Avec tendresse, elle cale l’instrument au creux de son cou, et immobilise l’archet au dessus des cordes.
Ses yeux se ferment, ne reste que le sourire…
Et la mélodie s’envole soudain, offrant à nos oreilles juvéniles ce concert de notes si habilement mariées.
Les bouches sont muettes et les yeux remplis d’étoiles.
Elle murmure en jouant, des paroles de paix, de justice et d’amour, entre des peuples inconnus qui rayonnent chaque soir…
Oui nos âmes étaient pleines en cet instant de cet ardent et noble espoir, de faire de ce monde, autre chose que ce qu’il est devenu…
L'écolier a vieilli
Et les portes de l’école se sont fermées.
La violoniste instruit les anges au paradis.
Il n’y a plus de craie.
Juste une mélodie…